Les amortissements dérogatoires

           Les amortissements dérogatoires peuvent être définis comme les amortissements ou la fraction d'amortissements ne correspondant pas à l'objet normal d'un amortissement pour dépréciation, c'est-à-dire la quote-part d’amortissements pratiqués uniquement afin de bénéficier des avantages fiscaux.
C’est ainsi que la partie de la dotation correspondant à l’amortissement linéaire est inscrite au bilan dans un compte d’amortissement pour dépréciation à l’actif alors que le supplément d’amortissement correspondant à l’amortissement dérogatoire est inscrit au passif.
La fiscalité est bien évidemment un outil de la politique économique utilisé par l’Etat pour encourager des secteurs particuliers ou orienter l’investissement vers des activités précises. Pour ce faire, la loi fiscale utilise les amortissements dérogatoires qui se matérialisent concrètement sous forme de l’amortissement dégressif, l’amortissement exceptionnel ou accéléré.
1. Amortissements dégressifs :
L’amortissement dégressif est un amortissement fiscal caractérisé par l'application d'un taux constant à une valeur dégressive : d'abord le prix de revient initial, puis, à partir du deuxième exercice, la valeur résiduelle du bien, par conséquent les annuités sont importantes au début de vie de l’immobilisation et décroissent au fur et à mesure de l’écoulement du temps. Le taux constant est égal au produit du taux linéaire par un coefficient qui varie suivant la durée de vie du bien.
L’amortissement dégressif a été institué par la loi de finance de 1994, les modalités d’application de ce mode d’amortissement sont reprises dans la loi sur l’IS et l’ IGR respectivement dans les articles 7 ter et 15 ter, ces derniers stipulent que :
« Par dérogation aux dispositions du 7° de l'article 7 ci-dessus, les biens d'équipement acquis à compter du 1er janvier 1994- à l'exclusion des immeubles quelle que soit leur destination et des véhicules de transport de personnes visés au 7° dudit article - peuvent, sur option irrévocable de la société, être amortis dans les conditions suivantes :
 La base de calcul de l'amortissement est constituée pour la première année par le coût d'acquisition du bien d'équipement et par sa valeur résiduelle pour les années suivantes.
 Le taux de l'amortissement est déterminé en appliquant au taux de l'amortissement normal résultant de l'application du 7° de l'article 7 ci-dessus, les coefficients suivants :
o 1,5 pour les biens dont la durée d'amortissement est de trois ou quatre ans ;
o 2 pour les biens dont la durée d'amortissement est de cinq ou six ans ;
o 3 pour les biens dont la durée d'amortissement est supérieure à six ans.
La société qui opte pour les amortissements précités doit les pratiquer dès la première année d'acquisition des biens. »
L’amortissement dégressif constitue une incitation fiscale dans la mesure où les premières annuités d’amortissement des immobilisations corporelles sont plus élevées par rapport aux annuités calculées selon le mode linéaire induisant par la même une économie d’impôt importante au début de vie du bien.
Le système dégressif permet d’obtenir une meilleure appréciation de la dépréciation des immobilisations s’approchant ainsi de la réalité économique en ce sens qu’un bien d’équipement perd souvent de la valeur lors des premières années d’utilisation et voit sa valeur vénale baisser sensiblement.
Il reste à préciser que le choix du mode dégressif est une option irrévocable prise au début de la vie de l’immobilisation en ce sens que le changement de méthode d’amortissement du dégressif vers le linéaire n’est pas permis une fois qu’on a pratiqué le premier durant l’exercice d’acquisition du bien. Enfin, l’amortissement dégressif n’est pas cumulable avec les amortissements accélérés institués par le code des investissements industriels.
2. Amortissements exceptionnels :
Les amortissements exceptionnels font partie des amortissements dérogatoires mais pas dans l’absolu. En effet, il ne faut pas confondre amortissements exceptionnels comptables et amortissements exceptionnels fiscaux.
Ainsi lorsqu'un amortissement exceptionnel est :
 motivé par un usage plus intensif que prévu initialement, par un changement brutal de technique ou par toute autre cause imprévisible dont les effets sont jugés irréversibles, il doit être considéré comme un amortissement pour dépréciation ; il est inscrit, en totalité, dans les charges non courantes en tant que tel (compte 6591 Dotations aux amortissements exceptionnels) en contrepartie du compte intéressé de la rubrique 28 de l’actif ;
 pratiqué dans le seul but de bénéficier d'une déduction temporaire d'impôt, il appartient à la catégorie des amortissements dérogatoires : il est inscrit, pour la partie non économiquement justifiée, dans les charges non courantes sous forme de dotation non courantes aux provisions réglementées (compte 6594) et vient au passif du bilan en augmentation de ces provisions.
La loi fiscale marocaine précise les cas représentant des amortissements dérogatoires qui sont au nombre de deux :
 Il s’agit dans un premier des dispositions de l’amortissement exceptionnel en cas de subventions d’équipement, figurent dans l’article 7 de la loi sur l’I.S et l’article 15 de la loi sur l’I.G.R. Ainsi, l’article 7 de la loi sur l’I.S. stipule : « Les sociétés qui ont reçu une prime d’équipement qui a été rapportée intégralement à l’exercice au cours duquel elle a été perçue, peuvent pratiquer, au titre de l’exercice ou de l’année d’acquisition des équipements en cause, un amortissement exceptionnel d’un montant égal à celui de la prime ».
Autrement dit, « la société qui bénéficie de subventions d’investissement doit :
o Etaler l’imposition des subventions d’investissement reçues de l’Etat, des collectivités locales ou des tiers sur un délai maximum de 5 ans ;
o Ou bien réintégrer la totalité de ces subventions au titre de l’exercice de leur réception et bénéficier de la déduction d’un amortissement exceptionnel (dérogatoire) au titre de l’exercice d’acquisition des équipements en question, égal au montant de la subvention, et s’ajoutant à l’annuité d’amortissement normale » .
 Le deuxième cas concerne l’amortissement exceptionnel des biens, en cas de profits exonérés suite à engagement pour réinvestissement du produit de cession qui est régi par les dispositions des articles 19 et 18, respectivement de l’I.S. et de l’I.G.R. En effet, la loi sur l’IS stipule : « Le montant des plus-values réalisées et exonérées qui excède celui des abattements visés au a) ci-dessus, est transféré à un compte de réserve obligatoirement affecté à l'amortissement exceptionnel des investissements réalisés et ce, au titre de l'exercice de la réalisation desdits investissements. Les amortissements annuels normaux sont calculés sur la valeur résiduelle de ces investissements. »
3. Amortissements accélérés :
Ces amortissements sont accordés dans le cadre de textes particuliers accordant des mesures incitatives aux investissements qui consiste à donner la possibilité d’accélérer l’amortissement dans la limite du double des taux généralement utilisés.

Les amortissements pour dépréciation

Plusieurs définitions de l’amortissement peuvent être avancées selon l’angle sous lequel l’analyse est menée.
La première conception de l’amortissement stipule que ce dernier est un processus de correction de l’évaluation des actifs en ce sens qu’il est la constatation comptable de la valeur des immobilisations se dépréciant avec le temps et a pour but de faire figurer les immobilisations au bilan pour leur valeur vénale.
La deuxième conception stipule que l’amortissement est un processus de répartition des coûts, il a ainsi pour objet de répartir le coût d’un élément de l’actif immobilisé sur sa durée de vie et non de l’évaluer. En s’inscrivant dans cette même logique, M. Sbihi présente une métaphore intéressante pour illustrer la raison de la pratique de l’amortissement en disant que : « …elle consiste à revenir au principe de spécialisation des exercices pour considérer l’exercice comme un être comptable qui utilise des moyens multiples pour réaliser sa propre exploitation ; à ce titre, si un exercice X bénéficie de la production réalisée à l’aide d’une machine achetée au cours d’un exercice écoulé, il n’est pas normal de considérer qu’elle est gratuite pour lui ; il faut qu’il paie sa part dans le prix d’acquisition que l’exercice Y (où cette acquisition a eu lieu) a payé pour lui : c’est la dotation aux amortissements » .
Une autre façon de définir l’amortissement consiste à dire que c’est une technique de renouvellement des immobilisations qui se traduit par une affectation du bénéfice à la reconstitution du capital.
À côté de ces différentes conceptions, celle retenue par la loi comptable marocaine précise que : « l’amortissement consiste à étaler le montant amortissable de l’immobilisation sur sa durée prévisionnelle d’utilisation par l’entreprise selon un plan d’amortissement » . Le PCG français définit l’amortissement comme étant : « la constatation comptable d'un amoindrissement de la valeur d'un élément d'actif résultant de l'usage, du temps, du changement des techniques ou de toute autre cause dont les effets sont jugés irréversibles ».

Amortissement

La vie de l’entreprise est répartie en exercices comptables à la fin desquels celle-ci doit présenter les états de synthèse aux différentes entités intéressées et en particulier l’État en vue de payer les impôts.
Ces états de synthèse sont censés refléter l’image fidèle de la situation patrimoniale de l’entreprise. Pour arriver à cette fin, l’entreprise est amenée à réaliser les travaux de fin d’exercice qui sont les opérations d’inventaire, les amortissements, les provisions, les écarts de conversion, les opérations de régularisation des produits et des charges, qui permettent de tendre vers l’idéal de l’image fidèle.
Ainsi, à l’arrêté des comptes, la valeur nette comptable est déterminée en diminuant de la valeur brute, qui correspond à la valeur d’entrée dans le patrimoine, les amortissements.
Ces derniers constituent la traduction comptable de la dépréciation subie par les éléments de l’actif immobilisé due à l’usage, le temps ou l’obsolescence. Étant une charge et non une dépense, l’amortissement représente, pour l’entreprise, un moyen pour s’autofinancer étant donné que celui-ci induit une économie d’impôt très intéressante.