Les méthodes de calcul de la Value-at-Risk

L'objectif de ce chapitre sera de développer plus en détail les trois méthodes principales utilisées pour l'estimation du nombre VaR. Cel¬les-ci sont la méthode variances covariances, la méthode de simulation his¬torique et la méthode de simulation Monte Carlo. Elles seront abordées dans cet ordre, lequel va de la technique la plus simple à la plus compli¬quée. A- La méthode de variances covariances De type paramétrique, la méthode de variances covariances a été introduite à partir d'Octobre 1994 par JP Morgan avec son système RiskMetrics . Elle tire son nom du fait qu'elle mesure la VaR essentiellement sur la base de l'estimation de la matrice des variances et covariances des taux de rendement des actifs composant le portefeuille. 1- Les hypothèses de base En plus de l’hypothèse de stationnarité des rendements valable pour les méthodes selon laquelle la distribution actuelles des facteurs de risque est supposée identique à celle des facteurs passés et que la relation entre la variation du portefeuille et la variation des facteurs est stable, la méthode des variances et covariances se base sur deux principales hypothèses ; l’hypothèse de normalité et celle de linéarité. 1.1- L'hypothèse de normalité La méthode variances covariances simplifie forte¬ment l'estimation de la VaR en supposant que les changements des prix et taux du marché sont distribués selon une loi normale. Sur base de cette hypothèse, si la valorisation des positions du portefeuille est une fonction linéaire des mouvements des facteurs de marché, le taux de rendement de chacun des instruments financiers est normalement distribué. Le portefeuille étant une combinaison linéaire de ceux-ci, son taux de rendement suit lui même une loi normale. En pratique cette hypothèse n’est pas toujours vérifiée ce qui a poussé JP Morgane à l’assouplir en ajoutant deux autres hypothèses : - La volatilité des rendements varie dans le temps - les rendements sont autos corrélées Ainsi l’hypothèse de normalité devient : Tous les rendements s’écrivent comme suit : Avec suivent une loi multi normale de moyenne nulle et de matrice des variances covariances Mt dépendante du temps. Cette hypothèse s’appelle l’hypothèse de normalité conditionnelle. 1.2- L’hypothèse de linéarité En pratique, le portefeuille de négociation d'une institution fi¬nancière contient souvent des positions aux caractéristiques non linéaires, c'est-à-dire dont la sensibilité aux changements des prix et taux sous-jacents n'est pas constante. Parmi ces positions non linéaires se trouvent les op¬tions et les titres à revenu fixe. Dans ce cas, pour conserver les nombreux avantages de la normalité, l'approche delta normale ou Riskmetrics est mise en œuvre. Elle consiste à recourir à une approximation linéaire de la va¬lorisation de la position. Par exemple la VaR d’une option call sur actions peut être approchée par la VaR d'une position unitaire dans l'action sous-jacente A. La méthode delta normale estime donc la VaR de cette option call de la manière suivante : Où δ (le delta de l'option) représente la proportion de la modification de la valeur du call qui est expliquée par un changement de prix du sous-jacent. Il est compris entre 0 et 1. La méthode delta normale suppose que le delta est constant, c'est-à-dire que, quel que soit le prix du sous-jacent, une variation intervenue dans ce prix a toujours un impact identique sur la valeur de la position. De manière générale, grâce à la méthode delta normale, la VaR d'une posi¬tion s'exprime simplement comme le produit suivant : Où δ (le delta) représente la Sensibilité de la position aux changements de prix ou taux du marché et V la valeur de marché de la position. Lorsque la non linéarité de la position en question est très prononcée, un second facteur de risque, le risque gamma, lequel fait référence au risque de variation du delta, doit être pris en compte. Les techniques qui permettent de calculer la VaR de tels portefeuilles sont les « méthodes delta-gamma ». 2- La mise en œuvre de la méthode variances covariances Il est très probable que toute l'information nécessaire concernant les instruments financiers composant le portefeuille ne soit pas disponible. Ceci s'explique entre autres par l'abondance d'actions et d'obligations existantes et la va¬riété quasi infinie de dérivés. La première étape pratique consiste en une récolte de données sur les facteurs de risque appropriés, à savoir les taux de change de devises particulières, les taux de rendements des différents titres, certains indices boursiers et les prix de quelques biens de base. Ces informations, la plupart du temps des obser¬vations historiques, servent à estimer la matrice des variances covariances des facteurs de risque de marché. Ainsi, les prix et taux futurs du marché sont anticipés sur base des volatilités et corrélations passées. La seconde étape de la méthode variances covariances est le mapping des positions donc il faut exprimer les positions du portefeuille en fonction des instruments de référence dont les données nécessaires sont dis¬ponibles. 3- Le calcul de la Value-at-Risk Pour calculer la VaR , on définie V0 comme étant la valeur initiale (date 0) d’un portefeuille, Vt sa valeur à l’horizon t (date 1) et Rt son taux de rendement qui est une variable aléatoire qui suit une loi normale d’espérance μ et d’écart type σ. La valeur du portefeuille à l’horizon t est : Vt = V0 (l+Rt) La valeur minimale du portefeuille au degré de confiance c est V*= V0 (l+R*), avec R* = -ασ + μ La VaR est définie comme suit : VaR = E (V) - V* = - V0(R*-μ) Donc Nous voyons bien, que cette méthode se base sur la volatilité de taux de rendement du portefeuille. L'hypothèse de la linéarité nous permet d'écrire : Avec rit est le rendement de l’action i au temps t et xit le poids de cette action dans le portefeuille. On a déjà vu que : En utilisant l’écriture matricielle, la volatilité du portefeuille est donnée par : C'est-à-dire Avec M est la matrice des variances covariances estimée. X = (x1, x2…….xk) le vecteur des poids des titres dans le portefeuille et Xt est la transposée de X Exemple Prenons un cas simple de portefeuille composé deux actifs avec 1 million de dirhams investis dans l'actif 1 et 2 millions de dirhams dans l'actif 2. Supposons que la matrice de variance covariance quotidienne est donnée par : Alors la variance du portefeuille est : (0,33 0,67) = 0.0042 Donc la volatilité du portefeuille est : σ = 0.064 Et puisque α = 2.33 pour c = 99% La VaR sur un jour à 99% de confiance est : VaR = 2.33x0.064x3= 0.45 millions de dirhams soit 450 000 dirhams. Remarques : - La méthode dite RiskMetrics se diffère de celle des variances covariances seulement au niveau de l’estimation de la volatilité ; L’idée de base consiste à faire varier la volatilité dans le temps, en accordant un plus grand poids aux données les plus récentes. On peut ainsi s’adapter plus rapidement aux changements des conditions du marché et mieux tenir compte des évènements extrêmes. Plus concrètement, on commence par calculer la volatilité historique σ0, puis on parcourt chronologiquement les rendements historiques en actualisant la volatilité à l’aide de la formule suivante: Où: σn-1 est la valeur précédente de la volatilité et rn-1 le rendement précédent. Le paramètre λ est fixé à 0.94. Les covariances sont calculées à l’aide d’une formule analogue. L’estimation la plus récente de la volatilité est utilisée pour calculer la VaR du portefeuille, de la même façon que pour la méthode variances covariances. - Parmi les méthodes paramétriques se trouve La théorie des valeurs extrêmes qui a été utilisée pour la première fois dans la mesure des risques financiers lorsque les événements extrêmes tels que les crashs boursiers ont commencé à apparaître en finance. Embrech et autres l'ont utilisé pour estimer la VaR. B- La méthode de simulation historique La méthode de simulation historique est très simple en ce sens qu'elle construit les scénarios sur base de données passée. Son principe fonda-mental consiste à utiliser la distribution passée réelle des facteurs de risque auxquels le portefeuille est soumis et d'appliquer les mouvements dans les prix et taux passés à la composition actuelle du portefeuille. 1- La mise en œuvre de la méthode de simulation historique Comme pour la méthode variances covariances, la première étape pratique consiste à exprimer le portefeuille de négociation sur base d'instruments de référence. Rappelons que ces instruments sont sensibles à un seul facteur de risque de marché. Le recours au mapping se justifie par l'insuffi¬sance de données dont une des raisons réside dans l'impossibilité pour les institutions financières de stocker les données sur tous les titres individuels pendant de longues périodes. II permet de plus d'accélérer la procédure d'estimation de la VaR. Dans le cadre de la méthode de simulation historique, les prix et taux futurs sont anticipés par similitude avec une période passée jugée représentative. Une fois le portefeuille réduit en ses éléments essentiels, l'institu¬tion doit donc récolter un échantillon d'observations historiques sur les dif¬férents prix et taux du marché. Sur base de ces données, elle peut ainsi calculer les changements relatifs intervenus dans les prix et taux du marché pendant un intervalle de temps correspondant à la période de détention choisie. 2- Le calcul de la Value-at-Risk La méthode de simulation historique considère que l'institution détenait son portefeuille de négociation actuel durant la période d'observation. Elle applique donc les mouvements des prix et taux passés au portefeuille actuel de l'institution. Ce faisant, elle construit des taux de rendement hypothétiques qui correspondent donc à la somme sur toute la période d'échantillonnage des taux de rendement historiques des différentes positions du portefeuille, laquelle est pondérée par les poids xi de ces posi¬tions dans notre portefeuille actuel : Si R1 est le taux de rendement du portefeuille à l’instant t = 1, la valeur future du portefeuille est : Et donc la perte que va subir le portefeuille à la date t = 1 est: En classant les par ordre croisant. On peut déterminer la VaR en fonction du niveau de confiance et du nombre de données historique. Par exemple si n est le nombre de données historiques et (1-c) le niveau de confiance, la VaR n'est rien d'autre que le n (l-c) ième plus petit élément multiplié par la valeur actuelle du portefeuille. Si n (l-c) n'est pas un entier et c'est souvent le cas on calcule la VaR par une interpolation linière. Exemple Dans le cas où n =250 et c = 99% on a n (l-c) =2.5 La VaR est donc comprise entre le deuxième plus petit et le troisième plus petit élément. C- La méthode de simulation Monte Carlo La méthode de simulation Monte Carlo diffère de la méthode de simulation historique par sa manière de construire la distribution du taux de rende¬ment du portefeuille. La méthode de simulation Monte Carlo utilise en effet, non pas les mouvements passés dans les facteurs de risque de marché, mais des changements relatifs des prix et taux du marché choisis au hasard à partir d'une distribution statistique précédemment spécifiée. De cette fa¬çon, la simulation Monte Carlo évite les problèmes de forte dépendance par rapport aux données passées qui minent la méthode de simulation histori-que. 1- La mise en œuvre de la méthode de simulation Monte Carlo Comme pour les deux techniques précédentes, la première chose à faire est le mapping des positions de manière à identifier les facteurs de risque de marché pertinents. Dans la deuxième étape de la méthode de simulation Monte Carlo, l'institu¬tion financière doit générer de nombreux scénarios hypothétiques quant aux prix et taux du marché à l'horizon choisi et déterminer la valeur finale du portefeuille pour chacun d'eux de manière à obtenir la distribution du taux de rendement du portefeuille. L'institution financière doit d'abord simuler les prix et taux du marché pour la période future T, c'est-à-dire construire un « chemin fictif » pour chaque facteur de risque de marché en tenant compte des corrélations entre eux. Pour cela, elle se base sur leurs processus sous-jacents spécifiés dont elle tire une valeur particulière au hasard en se basant sur des nombres aléatoires. Chaque séquence de nombres aléatoires produit un prix hypothétique pour tous les instruments de base du portefeuille à l'issue de la période de détention. À l'horizon de temps T, le portefeuille dans son ensemble vaut : C’est-à-dire la somme des valeurs hypothétiques de chaque position en fonction de la séquence k des N nombres aléatoires, cette somme étant pondérée par les poids xit du portefeuille actuel. Chaque simulation donnant une valeur possible pour le portefeuille à la fin de l'horizon choisi, il faut répéter le procédé un grand nombre de fois. Le résultat est la distribution de rendements du portefeuille à l'horizon T. Notons que le nombre d'itérations doit être suffisamment grand pour que la distribution obtenue converge de manière significative vers la vraie dis-tribution future des valeurs du portefeuille mais assez petit que pour pou-voir effectuer l'ensemble des calculs en un temps raisonnable. La méthode de simulation Monte Carlo se rapproche de la méthode variances covariances car elle se fonde également sur des distributions théoriques dont les paramètres sont estimés. Toutefois, alors que la méthode variances covariances suppose que le taux de rendement du portefeuille se comporte selon une loi normale, la méthode de simulation Monte Carlo construit sa distribution de manière empirique en simulant la réalité à partir du spectre des prix et taux futurs. En plus les deux méthodes supposent que les volatilités et corréla¬tions entre les facteurs de risques sont stables durant la période de déten¬tion. 2- Le calcul de la Value-at-Risk La VaR Monte Carlo est obtenue à partir d'une simulation des prix des instruments financiers, elle simule les variations futures des prix des facteurs de risque. Par exemple pour simuler une série de 1000 prix à partir des prix actuels. On suit la démarche suivante : - Générer k séries indépendantes d'une taille de 1000 chacune et qui suivent une loi normale standard. Notons Z la loi N (0, I) avec I la matrice identité de dimension 1000k - Calculer la matrice de corrélation M de notre distribution empirique des rendements et faire la décomposition de Cholesky de la matrice M, c'est à dire trouver une matrice triangulaire inférieure A telle que M = KtK. On effectue cette décomposition pour générer des rendements suivant une loi normale N (0, ε), avec ε = AZ. Pour obtenir la matrice de cholesky associée K on utilise la fonction CHOLESKY sous EXCEL ; c’est une fonction qu’on a ajouté à l’aide de Visuel Basic pour Application VBA en entrant son code . - Appliquer le modèle de pricing des instruments financiers pour trouver les prix de chaque instrument ou facteur. Pour les facteurs comme les cours de change, les taux d'intérêts, le prix des actions on utilise le modèle de la marche aléatoire. - calculer les rendements des différents instruments financiers et appliquer la méthode historique pour calculer la VaR. En fonction du niveau de confiance l'institution financière peut calculer la VaR. Cette VaR est supposée être une bonne approximation de la vraie VaR. D- Conclusion Dans cette partie nous avons présenté les différents modèles d'estimation de la VaR. Nous avons deux catégories de modèles : Les méthodes paramétriques qui utilisent des lois statistiques connues et les méthodes non paramétriques ou de simulation qui utilisent des données empiriques. Dans la première catégorie nous avons la méthode variances covariances, la méthode Delta Normale ou Riskmetrics et d'autres qui utilisent les distributions des théories des valeurs extrêmes et des distributions hyperboliques généralisées. Lorsque les distributions employées ne s'ajustent pas bien aux données, les VaR mesurées sont par conséquent à remettre en question. Ces méthodes utilisent la matrice de variance covariance des facteurs qu'il faudra estimer. Une mauvaise estimation de la matrice de variance covariance à un impact sur la VaR. La deuxième catégorie de modèles comprend les méthodes de simulation qui sont la méthode de Monte Carlo et la méthode de simulation historique. Elles sont applicables à tout genre de portefeuilles linéaires et non linéaires. Ce qui n'est pas le cas pour la première catégorie. La méthode de simulation Monte Carlo est puissante et donnent des résultats réalistes. Cependant cette dernière nécessite un temps énorme de calcul. Il faudra donc choisir entre le temps de calcul et la puissance du modèle. Chacune de ces méthodes a ses avantages et inconvénients tant sur le plan des hypothèses, le risque de modèle que sur la difficulté d'application. De tout cela, il faut veiller à la qualité des données, à bien identifier tous les facteurs de risque et ne jamais oublier que la VaR ne provient que d'un modèle. Si les inputs sont faux ; on s'attend bien sûr à obtenir de faux résultats. Mais une fois que les différents modèles sont mis en place il conviendrait donc de tester leur validité, pour pouvoir répondre aux questions suivantes : Le modèle reflète t-il la réalité? Ne sous estime t-il pas le risque? Ne surestime pas le risque?